Ouest-France, le vendredi 30 juillet 2021, page
Dinan et son pays.
À Dinan,
les arbres cachent une forêt d'Histoire
Patrimoine
Des stratégies militaires du Moyen-Âge aux aménagements
du XXe siècle, les arbres sont des témoins silencieux qui
racontent à leur manière des pans entiers du passé dinannais.
Il n'y a pas que sur les pages noircies des livres
d'histoire que l'on peut découvrir le passé. Les feuilles des arbres livrent
aussi de précieux témoignages. À Dinan, la lecture est fructueuse. La présence
de ces plantations n'est pas due au hasard, bien au contraire.
Qu'ils soient isolés ou regroupés sous forme d'ensembles,
les arbres relatent la métamorphose de la ville, du bourg médiéval à la cité
touristique que l'on connaît aujourd'hui.
Traces du passé militaire
Pour apprécier une majestueuse voûte arborée, rien ne vaut
une virée à la fameuse promenade des Petits-Fossés, bordée de platanes. Mais
pour se replonger dans le Dinan du Moyen-Âge, il faut imaginer l'allée qui mène
au château sans aucune plantation. « À l'époque, le système défensif se résume
aux murailles, relate Francis Cauwel, secrétaire de la société des amis du
musée et de la bibliothèque de Dinan (Samb). Puis, l'art de la guerre progresse
et à la fin du XVe siècle, on considère qu'il faut éloigner les
assaillants des murs. »
De grands travaux sont alors déployés pour creuser des
douves au pied des murailles. La terre ainsi retirée sert ensuite à créer une
butte face au château, formant une contrescarpe qui bloque l'avancée de
l'ennemi. Mais cette butte, qui couvre la partie ouest de la ville, ne va pas
rester nue. « Dinan étant devenue une place forte, bien équipée militairement,
ces aménagements n'avaient plus vraiment raison d'être », rappelle Francis
Cauwel.
Au XVIIIe siècle, des figures de la vie
municipale vont utiliser l'espace d'une nouvelle façon. Dès 1746, sous
l'impulsion du maire Charles Duclos, une double allée d'ormes est plantée aux
Petits-Fossés. Progressivement, ce sont près de 3,8 km de chemins arborés qui
fleurissent à Dinan, avec les promenades des Grands-Fossés, de La Duchesse Anne
et de La Fontaine des-Eaux. « Ces arbres tracent la ville médiévale », résume
le passionné d'histoire Francis Cauwel.
Au XIXe , les promenades sont prisées des
Dinannais. Le dimanche, on s'y balade. Mais surtout, on s'y montre dans ses
plus belles tenues. « Le système défensif militaire est remplacé par un art de
vivre », commente Francis Cauwel. Au même moment, la ville s'embourgeoise avec
l'essor du commerce. « Cette nouvelle bourgeoisie éclairée est particulièrement
tournée vers l'extérieur », note le secrétaire de l'association Samb.
Avec la colonisation, les expéditions vers l'Afrique ou
l'Amérique et l'exploitation des matières premières se multiplient. Les arbres
s'affichent alors comme des trophées. « Quand on avait fait fortune dans le
négoce, on se faisait construire une belle bâtisse et on plantait une essence
exotique dans son jardin », appuie Francis Cauwel. Les symboles de « réussite »
de l'époque font aujourd'hui la joie des promeneurs.
Certains d'entre eux sont d'ailleurs classés comme arbres
remarquables. « Dinan est la ville moyenne qui compte le plus d'arbres ou
d'ensembles arborés classés comme remarquables », souligne l'amateur
d'histoire. Le Jardin anglais, classé comme ensemble, abrite entre autres l'un
des plus vieux et imposants cèdre de l'Himalaya en Bretagne ou un rare ginkgo
biloba.
Les séquoias majestueux des Grands-Fossés et de l'Institut
médicoéducatif rappellent, eux, des voyages en Amérique du Nord. Quant au sud
du continent, on le retrouve dans les araucarias, des emblématiques arbres
chiliens plantés dans des jardins privés et au cimetière de la ville. Plus
d'une centaine de palmiers chanvres et une poignée d'épatants magnolias
s'épanouissent aussi à Dinan, signe d'un attrait pour l'Orient.
Mais dès les années 1950, « la présence de l'arbre recule »,
signale Francis Cauwel. Depuis, les promenades ont été amputées d'une partie de
leurs arbres « pour trouver de l'espace ». La place de ces plantations fait
toujours plus débat, en témoignent les récentes discussions autour des tilleuls
de la place Saint-Sauveur. Les arbres n'ont donc pas fini de faire l'histoire.
Magalie LETISSIER.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire